Dis, maintenant, tu viens on s'aime ?

18:00

Vendredi 13 novembre 20h, affalée dans mon canapé je blague en rétorquant à ma grand-mère " Nous sommes vendredi 13 ?  Et bien, je n'avais même pas percuté ! Tu vois,  je ne suis pas tombée et je suis rentrée en un seul morceau " ( Il faut dire que depuis que me suis coltinée un traumatisme crânien il y a quelques années un vendredi 13 lors d'une chute absolument bête et méchante, j'ai matière à blaguer sur ce sujet-là), elle me répond que la journée n'est pas terminée et que je reste à ses yeux la reine des gaffeuses, mais qu'elle m'aime malgré tout, je lui souris.

Fatiguée par cette semaine complètement folle et ayant un rendez-vous le lendemain en ville pour prendre un verre, je décide d'aller me reposer. Comme à l'accoutumée je plonge sous ma couette avec l'idée de me poser devant une série, étant accro à ce réseau social que j'affectionne tout particulièrement je me mets à scroller machinalement mon fil d'actu' Twitter. Là, j'y vois comme d'habitude les peripéties  journalières des gens que je follow, j'y vois des gens qui râlent, des commentaires footballistiques que je ne prends pas la peine de lire, des gens qui partagent des instants qui ont marqués leur journée, puis là, au milieu je vois les mots " Paris" " fusillade" " Tir de kalachnikov" " 10 éme arrondissement", Il est 21 heures.
L’espace d'un instant, je repense au 7 janvier, je nous sens basculer une fois de plus dans l'horreur, je scroll de plus belle en me disant que ce n'est sans doute "qu'un" malheureux règlement de compte. Je n'ai pas envie de revoir le mot attentat faire partie de notre quotidien, non, pas encore, pour moi à cet instant il est hors de question que tout cela ait un lien quelconque avec du terrorisme.
Puis, le coup de massue, de nouveaux coups sont entendus dans 11 ème arrondissement cette fois, à présent ce sont les mots " explosions" " morts" et "blessés" qui apparaissent sur mon écran.., le Bataclan serait également la cible. L' horreur, la situation est grave.
En l'espace de quelques minutes la France vient de retomber dans le cauchemar, à peine cicatrisée de l'horreur du 7 Janvier, 11 mois et 9 jours, voilà le temps de répit que l'on nous a laissé avant de s'attaquer une fois de plus à nos libertés les plus profondes.


Je pense aux proches et connaissances qui sont à Paris, j'ai à peine le temps de réfléchir que je compose un premier message à l'intention d'un ami lui demandant d'être prudent, lui aussi a pour habitude de boire un verre le vendredi soir dans les bars de son quartier, ce même quartier prit pour cible par l'horreur.  L'inquiétude s'installe, j'appelle une amie Parisienne de naissance, ensemble nous nous rendons compte de la gravité des événements en allumant la télé. La priorité est désormais d'essayer d'avoir des messages rassurants de nos proches et amis susceptibles d'être actuellement dans la région. 


Que l'on me réveille de ce cauchemar, le chiffre des victimes ne cesse d'augmenter, les larmes montent, l'incompréhension, la colère, la tristesse et la peur s'installent. Je renvoie un second message, un peu plus paniquée cette fois à ce même ami, espérant un signe de vie de sa part, ce n'est que quelques minute plus tard que je me rassure en voyant son nom s'afficher dans mes notifications, il va bien.
Là, je respire mais suis incapable de penser ni même de réfléchir, je suis  tout bonnement ahurie devant la télé. Je tremble devant le discours ému de notre Président qui nous parle, d'attentat gravissime, d'état d'urgence et de fermeture des frontières, puis le mot "guerre" se pose.. Le 13 novembre 2015 allait donc rester gravé à jamais dans les esprits.


Et maintenant, on fait quoi ?
Ce week-end comme la plupart des gens, je pense, j'ai été incapable de faire, de penser, ni même de parler d'autre chose. Incapable de sortir de chez-moi, je suis restée scotchée devant toutes ces éditions spéciales. Le cœur lourd, les yeux remplis de larmes devant chaque image poignante, devant chaque témoignage..

Que le mot "guerre" soit employé ici même en France et ce en 2015,  que l'on en vienne à parler de kamikazes sur notre territoire, qu'on nous dise que ces lieux ont été visés car ce sont des lieux qui aux yeux de certains illuminés  sont des lieux de débauche, d'abomination et de perversion, et que l'on touche ainsi à nos symboles de culture et de liberté, c'est inconcevable et surréaliste.

La France, celle qui nous a vu grandir pour certains, et qui a fait de nous ce que sommes avec tous les clichés que l'on veut bien nous coller. Oui, nous qui ne sourions jamais dans les transports, le français de mauvaise foi, qui aime boire un verre en terrasse en fin de semaine, prendre des cuites, danser, chanter, rire, s'amuser, et s'envoyer en l'air. Et bien cette France- là, ne se laissera pas sombrer dans la peur, nous ne laisserons pas gagner ce dogme de barbares sans foi ni loi.

Moi française, fille d'un immigré qui a quitté son pays par amour pour une franco-italienne, moi qui a grandit dans des valeurs de tolérance, de respect de l'autre, et de respect des croyances et de non-croyances de chacun, j'ai la conviction absolue qu'il est possible de vivre ensemble. Parfois c'est dur, certes, mais il n'en est pas moins que cela est possible ! 
Le bon vivre ensemble et la bienveillance existent bel et bien. Si une union oecoménique est possible à l'échelle d'un couple, d'une famille entière alors à l'échelle d'un pays entier, quant est-il ?
Je n'ai pas envie d'avoir peur des amalgames, car du haut de mes 24 ans j'ai foi en l'humanité, et refuse de croire qu'une minorité de pourritures innommables réussira à diviser davantage la France et les français.
 
Louis Aragon disait " Il est temps d'instaurer la religion de l'amour" , aujourd'hui j'ai envie de croire en l'amour. A notre amour pour nos semblables, notre amour de la liberté, de la vie et pour ce beau pays multiculturel et coloré, pour ce meltingpot auquel je tiens tant et auquel que je veux croire. Aimons- nous et mélangeons-nous !

Alors, viens, on s'aime ?

Mes pensées vont aux victimes et à leurs familles, nous continuerons de boire des verres en terrasse, d'aller à des concerts,  nous allons continuer de vivre, tout simplement. 




Souad Massi & Marc Lavoine - Paris



Vous aimerez peut-être

0 COMMENTAIRES

n'hésitez pas laisser vos commentaires !