Mon amie l'endométriose, la douleur et moi.

19:33


L’endométriose est une maladie chronique souvent mal diagnostiquée qui touche pourtant près d’une femme sur dix. Il s’agit de la formation d’endomètre en dehors de l'utérus, pouvant dans de grave cas toucher les organes voisins. L'endomètre n'est pas évacué normalement  lors des menstruations ce qui se traduit par de fortes douleurs allant même parfois provoquer des lésions plus graves. L’endométriose est aussi une cause d’infertilité chez la femme.

Comme toutes les préadolescentes, je savais qu’un changement imminent m’attendait et qu'il serait la chose qui allait faire de moi « une femme », du moins  j’allais bientôt être « en âge de procréer ». D'ailleurs, les règles faisaient partie des discussions récurrentes que l’on entretenait avec mes amies du collège: Tampon ou protection ? C’est sale, non ? L’ironie du sort a fait que lorsque les fameuses sont arrivées j’assistais à un cours sur la puberté. J’étais là, assise sur le tabouret de la salle de laboratoire du collège tandis que je commençais à ressentir une gêne inhabituelle au bas ventre. Notre professeur d’SVT nous parlait d’hormones sexuelles (le programme de 4 ème est facétieux). Sans le savoir j’étais en train de devenir pubère comme ils disent. Seulement pour moi cet état de puberté allait marquer le début d’une douloureuse aventure.

Durant les premiers mois elles allaient et venaient sans prévenir, j’avais 14 ans, j’étais en pleine puberté et mon corps changeait. Et puis j’ai commencé à ressentir des douleurs, légères au début. Je me souviens m’être plusieurs fois plainte auprès de ma mère, celle-ci me tendait alors un Ibuprofène ou un Doliprane ainsi qu'un verre d’eau en me rassurant «  ça arrive ne t’inquiète pas, c’est normal d’avoir un peu mal ». C’est vrai, au début j’ai eu un peu mal, puis j’ai eu vraiment mal pour finalement avoir très mal.

Le réveillon de noël de mes 16 ans, je l’ai passé littéralement pliée en deux sur le canapé pendant que le reste de ma famille riait aux éclats en se goinfrant. « Elle a quoi ta fille ? » « Rien, parfois on paye dur le prix d’être une fille, tu sais. », ce à quoi l’un mes oncles avait répondu « Petite nature ». Ce soir-là, j’aurais voulu lui prêter ma condition féminine. Ce soir-là, j’aurais voulu qu’ils comprennent tous à quel point je souffrais en silence et que ces douleurs n’étaient pas psychologiques comme me l’ont souvent suggéré certaines personnes. C’est  à partir de là que j’ai  très vite compris que l’on avait peu de crédibilité à dire que l’on souffrait à cause de simples règles, après tout ce n’est qu’un simple syndrome hormonal.

Et puis, des nausées et de lourdes sensations de fatigue sont venues se coupler à ces douleurs appelées dysménorrhée. Elles  étaient devenues systématiques, de plus en plus présentes et de plus en plus intenses et vives à chaque fois. Elles s’étalaient en général sur les 3 premiers jours de règles pouvant même survenir encore vers la fin.

J’allais désormais donc à chaque fois appréhender cette période du mois, j’attendrais la peur au ventre que mère nature me rappelle sa présence en venant perturber le cours de ma vie.

Á cette époque le lycée appelait  souvent ma mère pour qu’elle vienne me récupérer,  motif : « mal de ventre ». Je devais subir le regard empli de jugement de mon CPE, pour lui aussi je n’étais sans doute qu’une « chochotte » ou encore une ado qui cherchait un prétexte pour gratter un jour off.

La vérité était que j’étais pliée sur ma chaise. Le teint livide et le regard dans le vide j’attendais de pouvoir rentrer chez moi. Je n’étais présente en cours que physiquement, incapable d’écrire ni même de me concentrer, parfois même je tenais à peine debout. Mais je tenais bon, j’essayais. C’est alors que l’expression "prendre son mal en patience" a pris tout son sens dans ma vie et vous n’imaginez pas à quel point j’ai eu plusieurs fois l’envie de pleurer comme un bébé en demandant ma maman. J’ai donc commencé à rater les cours car cet état était devenu handicapant. Mon médecin se contentait quant à lui de me proposer des antalgiques qui eux aussi était devenus de plus en plus forts en fonction de l'aggravation de mes symptômes. De ces nausées ont découlés de violents  vomissements, j’ai été même jusqu'à  prendre des dérivés d’opiacés. J’aurais même voulu qu’on me prescrive de la morphine par moment et tout ça pour ce qui devait être de simples douleurs de règles.

C’est précisément à cette période que j’ai compris que mon état n’avait rien de normal. Une fois par mois je prenais pas mal d’antidouleurs, trop, allant même jusqu’à dépasser la posologie recommandée. Dans cet état désespéré je suis capable de n’importe quoi pour que la douleur cesse. Un soir j’ai cru mourir, et j’ai fini par atterrir aux urgences la douleur n’étant plus gérable, ma mère ne supportait plus de me voir pleurer, voire agoniser, tout en me vidant. Là, je me souviens de la réaction de cet interne : « Vous êtes donc venue ici pour vos règles,  mais vous n’avez pas de doliprane à la maison ? »,  j’ai fondu en larme en lui disant de manière à peine compréhensible que si mon problème pouvait se résoudre à coup de paracétamol je ne serais pas devant lui.

On ne prenait pas mon mal au sérieux car aux yeux de certains je n'étais qu'une petite nature,  forcément j’ai fini par culpabiliser. Encore aujourd’hui je ne parle presque jamais d’endométriose mais de douleurs chroniques, je cache mon état du moins j’essaie en disant tout simplement que je ne me sens pas bien ou que je suis "malade".






Ce n’est qu’à l’âge de 21 ans que j’ai forcé la porte de spécialistes. Je voulais avoir des explications sur ce mal, je voulais qu’on m’aide à mettre des mots sur ces douleurs. J'en avais tout simplement marre de ne plus pouvoir vivre normalement. Non, ça n’a rien de normal de devoir se shooter aux antalgiques, de devoir faire des bouillottes brûlantes pour tenter de soulager la douleur (la paroi de l'utérus est composée de muscles lisses qui sont 5 fois plus puissants que les muscles squelettiques, puisque c'est eux qui permettent la contraction de l’utérus lors l’accouchement, ce sont donc ces contractions qui provoquent les douleurs que la chaleur aide à soulager).

Je ne quitte jamais ma bouillotte (je l’emmène même en vacances) et à  force de l’utiliser j’ai des démarcations au bas du ventre qui correspondent à des brûlures, parfois j’en viens même à avoir des soufflettes. Dans ces moments je suis tellement désespérée que je préfère encore me brûler que de ressentir ces atroces douleurs, est- ce que c’est normal ?  Qu'en est-il  du fait de se rendre à un examen de fac avec une boulotte cachée sous son pull ou de quitter un exam parce qu’on est à ça de vomir sur sa copie ? Jusqu’à présent encore quand j’ai un examen, un rdv important, un évènement  je compte mon cycle pour vérifier si celui- ci coïncide avec cette période, si c’est le cas et bien j’angoisse. Mes parents eux-mêmes s’inquiétaient de voir coïncider mes règles avec mes épreuves du bac.

C’est très simple, votre état vous trahit. Mes règles ne passent jamais inaperçues, c’est un peu comme un communiqué de presse qui est fait malgré vous. Maintenant, imaginez une vie de couple, votre cher et tendre vous voit vous tordre de douleurs un peu comme si vous étiez possédée par le démon (remarque, s'il reste il y a de grande chance pour qu’il vous aime vraiment), même chose pour ce qui est de concevoir une relation amoureuse.

J’ai fini par prendre peur, après tout ma grand-mère avait bien subi une hystérectomie à l’âge de 50 ans. Et de par mes études qui consistaient à avaler des pavés de physiologies humaines et de pathologies je côtoyais un tas de choses moches.

Après plusieurs examens dont je vous passerais les détails, le diagnostic : «  mademoiselle il semblerait que ce soit due à une endométriose, vous avez des adhérences d’endomètre à des endroits où il ne devrait pas y en avoir ce qui provoque vos douleurs ». Je me souviens m'être dit de ce jour-là que j'étais complètement mal foutue (l’endométriose n’étant pas le seul problème médical dont je fais les frais) je me suis sentie anormale, une sorte de boulet qu’on doit maintenant une fois de plus rafistoler.

La première question que j’ai posé au médecin : « Aurais-je les mêmes chances  que n’importe quelle autre femme de tomber enceinte un jour ? », j’avais 22 ans. Non pas que je pensais avoir un enfant à cette époque, mais ici je ne pensais pas à la moi de 22 ans, je pensais à celle que je serais dans quelques années (et je pense toujours à elle), celle qui voudra un jour un bébé et se voir appeler "maman" avec toute la responsabilité que cela incombe.

Aujourd’hui cette maladie que l’on ne voit pas fait partie de moi. Ces derniers jours elle a pas mal  occupé mon esprit, je réfléchis beaucoup aux dégâts qu’elle a causé et continue de causer. J’essaie de faire les bons choix quant à son traitement. Une opération n’est pas sans conséquence  et surtout même avec une opération elle risque de revenir, on ne s'en débarrasse pas aussi facilement. C’est pourquoi la ménopause artificielle s’avère être l’une des solutions. Je vais avoir 24 ans et mon utérus sera très certainement mit au repos, un peu comme on met son ordinateur en veille. Je vais donc mettre en veille cet utérus hostile jusqu’au jour où d’un commun accord je déciderai d’en faire usage (en espérant qu'il veuille bien fonctionner).

On parle encore trop peu de l’endométriose. Moi la première. Écrire cet article n’a pas été une tâche facile puisque seuls mes amis proches en connaissent les détails. Parler de son utérus est délicat,  les règles  sont souvent considérées comme un sujet tabou et pourtant la nature est ainsi faite.
L’endométriose ne doit pas rester sous silence ! On doit pouvoir en parler, on doit pouvoir comprendre et surtout faire comprendre  qu’avoir mal à un certain degré durant la période si banale des règles ce n’est pas normal. On doit pouvoir avoir une vie normale et des activités normales pendant cette période, ce qui n’est pourtant pas le cas pour près d’une femme sur dix.


Crédit image: Julie Joseph

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6 COMMENTAIRES

  1. Tu vaincras ton utérus hostile et tu feras pleiiiiiin de jolis bébé à Tata Elisa <3

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  2. En effet, tu m'apprends des choses... Je ne savais pas que tu étais atteinte de cette merde! ( parce que c'est la merde hoo)
    Tu as bien fais de pousser la porte de spécialistes, dommage que se soit "si tard". J espère que ton article pourra ouvrir les yeux de certains, et surtout qu il aidera des jeunes femmes comme toi, à moins souffrir physiquement et psychologiquement.

    Bisous de courage Nina <3

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  3. Bonjour Nina,

    Première fois que je laisse un commentaire sur un blog et pour cause : j'ai eu l'impression de relire mon histoire. La plupart des femmes souffrant d'endométriose ont eu le même parcours (souffrir le martyr, traitée de chochotte, aller aux urgences pour des règles etc.. jusqu'au jour ou "par chance" on finit par tomber sur quelqu'un qui accepte de faire sérieusement son métier c'est à dire écouter la patiente et faire les bons examens) et je trouve ça déplorable. Je suis bien plus âgée que toi et je m'étonne que tu vives ce triste parcours ; je pensais que ça avait évolué en 15 ans. Il faut trouver un bon spécialiste ... la ménopause artificielle est une bonne solution mais me semble t-il après l'opération. On dit qu'on n'en guérit pas mais pour ma part l'endométriose a fini par disparaître sans laisser de conséquence physique (pour le psychique c'est autre chose ;) après une opération et des années de ménopause artificielle.
    Je te souhaite du courage et j'espère que ton spécialiste saura bien te conseiller pour que tout ceci soit derrière toi dans quelques temps.
    Bises

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  4. Je me retrouve dans le début de ton article sue le collège et lycée ou j'attérissais sans cesse chez le cpe ou l'infirmerie que j'étais presénte en cours sans réellement l'être aujourd'hui je me pose toujours la question de savoir si j'ai un réel problème ou pas tous le monde me dis que c'est dans ma tête ... En tous cas je te souhaite plein de courage

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